Madrid est la seule capitale européenne dont les origines sont musulmanes ! Car bien avant d’avoir été élue capitale de l’empire espagnol par le roi Felipe II, en 1561, Madrid fut une place-forte arabe du nom de Mayrit. S’il ne reste que de discrets vestiges de ce passé andalusí, la culture orientale est toujours bien vivante à Madrid et indissociable de son identité.
Malgré quelques différents entre historiens, il semblerait que l’étymologie du nom de « Madrid » se réfère au terme arabe mayrit qui désigne un endroit où abondent les aquifères… Pour comprendre les origines de la ville, je me rends au musée de San Isidro qui retrace l’histoire de Madrid depuis la préhistoire. J’y apprend que, vers la première moitié du IXème siècle, l’émir de Cordoue, Muhammad I, ordonna la construction d’un bastion militaire qui servirait de contrepoids à une Tolède de plus en plus rebelle à l’autorité des Omeyyades… Il choisit donc un emplacement stratégique, en hauteur, bien irrigué et couvert de bois giboyeux pour bâtir une citadelle composée d’un alcazar et d’une médina.
Certes, l’alcazar de Mayrit n’était pas un luxueux palais de villégiature comme l’Alhambra de Grenade… C’était avant tout une contruction fonctionnelle et militaire, ce qui expliquerait qu’il n’en reste aujourd’hui que de rares vestiges, visibles au public. Justement, derrière la cathédrale de la Almudena, on peut encore voir un bout de la muraille d’origine, avec plusieurs tours quadrangulaires. Le quartier, dont la cathédrale est l’épicentre, conserve de nombreuses traces de l’ancienne ville arabe, à commencer par le nom d’Almudena (la sainte-patronne de Madrid) qui dérive d’al-Mudayna ou « la médina » ! On trouve aussi une rue et une place de la Morería (« le quartier des maures ») et une place del Alamillo, dérivé de al-hammam, les bains arabes qui se seraient trouvés à cet emplacement, d’après certains historiens.
Si les bains d’origine ont disparu, on peut cependant se faire une idée de ce qu’ils étaient en se rendant au Hammam Al Ándalus de Madrid qui recrée la tradition des bains arabes « telle qu’elle existait au temps de al-Andalús il y a des siècles« , comme se définit le hammam lui-même. C’est véritablement un lieu propice à la détente… Dès que l’on passe la porte, le bruit de l’eau, la pénombre agréable, les arômes capiteux et l’attention discrète du personnel contribuent à faire tomber 50% du stress ! Les 50% restants disparaissent tout au long d’un parcours qui se base sur les contrastes thermiques entre les différents bassins d’eau chaude, tiède et froide. Juste avant le massage (au choix entre le relaxant, le revitalisant, sur pierre chaude, avec gommage au gant de kessa…), on choisit l’arôme de son huile de massage (rose, violette, lavande ou ambre rouge) et on s’hydrate à la fontaine de thé vert à la menthe.
Pour tout savoir sur la culture arabe contemporaine, une visite à la Casa Árabe est incontournable… Cette prestigieuse institution fut créée en 2008 pour renforcer les liens culturels et la coopération entre l’Espagne et le monde arabe. Sa programmation annuelle se distingue par sa diversité et sa qualité avec des conférences (sur des thèmes aussi variés que la politique, l’art, la littérature, la musique ou l’économie), des expositions, des spectacles, des concerts, des cours de langue arabe, des projections de films… L’institution abrîte aussi la seule librairie de Madrid consacrée au monde arabe et un restaurant libanais réputé, le Shukran avec une agréable terrasse en été.
Enfin, on ne peut conclure cette route « orientale » dans Madrid sans se rendre dans le quartier de Lavapiés où la communauté musulmane donne une belle touche de couleurs et de saveurs, notamment dans la calle Tribulete. On y trouve des boutiques de vêtements de danse orientale, d’accessoires, d’artisanat et d’aliments (notamment des épices), des teterías (salons de thé et de narguilés typiques) avec spectacles de danse du ventre, des restaurants tels que l’Alhambra (au numéro 4) qui, s’il ne paie pas de mine, sert, à mon avis, le meilleur cous-cous de Madrid! À ne pas rater juste à côté, la pâtisserie Salamat, réputée pour être l’une des meilleures pâtisseries orientales de la capitale. Je confirme ! Fraîches, délicatement arômatisées à l’eau de fleur d’oranger, généreuses en miel et en fruits secs… Ses gâteaux sont de vrais délices où l’on retrouve, là aussi bien vivantes, les racines de la pâtisserie espagnole traditionnelle à base d’amandes et de miel tels que les fameux mazapanes.