Le saviez-vous ? Madrid est la capitale du flamenco ! Car si l’Andalousie reste le berceau de cet art, Madrid est aujourd’hui LA scène où tout artiste qui se respecte veut être remarqué. Des tablaos chevronnés jusqu’au prestigieux Teatro Real, en passant par le folklore pour touristes, ici le flamenco est à l’affiche toute l’année, avec de nombreux concerts, spectacles et festivals qui attirent un large public.
En parfaite néophyte, je m’en vais enquêter sur ce fameux « duende » (littéralement, un charme), cette aptitude particulière à « ressentir » et exprimer le flamenco qui fait que l’on est (naît ?) ou que l’on n’est pas un vrai artiste flamenco.
Soucieuse de ne pas brûler les étapes, je commence par assister à un cours de sevillanas pour débutants avec María Cruz. María donne des cours de danse dans l’un des nombreux centres culturels municipaux de Madrid (l’un des points forts de la ville), et aussi à titre particulier. « Les sevillanas sont l’un des « palos » [que l’on pourrait traduire par « variation traditionnelle »] du flamenco. Il y a quatre sevillanas qui symbolisent la chronologie de l’acte de courtiser son/sa partenaire« , nous explique María. « Allez, ce n’est pas si difficile de les apprendre !« , dit-elle pour encourager ses élèves. « L‘important, c’est le positionnement des mains et des bras. Imaginez que vous tenez une pièce de monnaie entre l’annulaire et le pouce et que vous allez embrasser votre partenaire avec force, mais sans le toucher. La tête haute, le buste bombé, les épaules relachées mais avec de l’énergie dans le geste des bras: je veux une embrassade « torera »! »
Hum… Franchement pas évident, surtout si en même temps, il faut coordonner les pieds. Je manque sérieusement de « duende », mais ce qui me rassure, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’être de Triana [quartier légendaire de Séville] pour l’avoir ! L’année dernière, j’ai visité l’école de danse Amor de Dios, toute une institution au niveau national et international, qui a vu et voit passer les meilleurs artistes de flamenco (Antonio Gades, Antonio Canales, Joaquín Cortés, Sara Baras, Belén Maya,Cristina Hoyos, Carmen Cortés, etc.) depuis 1953. J’ai pu constater que même des Japonaises pouvaient réussir le « braceo » et le « taconeo » (frapper le sol du pied) à la perfection, avec cette expression de pur dramatisme sur le visage, indispensable quand on veut être une vraie bailaora. La réputation d’Amor de Dios s’est forgée sur la qualité de son enseignement qui s’adapte aussi bien aux niveaux professionnels qu’aux amateurs.
D’après Carmen García, qui anime depuis 2003 le programme de radio Círculo Flamenco, émis depuis le Círculo de Bellas Artes (avec des interviews aux artistes les plus cotisés du moment), le flamenco a gagné à être reconnu et apprécié comme un art noble (et non plus comme une manifestation culturelle populacière…) dès l’instant où le très aristocratique Teatro Real (l’Opéra de Madrid) a ouvert ses portes au génial Paco de Lucía. Avant cela, la capitale était déjà réputée pour ses tablaos (crase de « tablado » ou le plancher de bois sur lequel on dansait le flamenco), ces cafés populaires qui ont nourri des générations d’artistes, dans une ambiance bohème. Certains ont survécu et évolué en quelques-unes des salles de spectacle les plus réputées de la capitale pour la qualité de leur programmation, parmi lesquelles se distinguent, d’après Carmen, le Corral de la Morería, la salle García Lorca de la fondation Casa Patas et Las Tablas. D’autres tablaos comme le Candela ou le Café Ziryab, mais aussi l’Auditorio Nacional, le Teatro Español ou Teatros del Canal font aussi partie des endroits à recommander pour écouter et voir du flamenco authentique.
Enfin, pour ne pas repartir à la maison les mains vides, et puisque Carmen m’assure que le flamenco peut davantage toucher un néophyte que quelqu’un qui s’y entend (et qui aurait tendance à être blasé…), je me rends à la boutique spécialisée El Flamenco Vive. David, l’un de ses fondateurs, me conseille: « on n’a pas toujours envie d’écouter tel ou tel « palo » (genre) de flamenco, selon l’humeur que l’on ressent… Les bulerías, tangos, alegrías et les rumbas sont plus joyeuses, tandis que les soleares et seguidillas sont plus complexes à comprendre pour quelqu’un qui ne s’y connaît pas trop« . Du sous-sol, on entend les accords endiablés d’une guitare qu’un jeune professeur de musique est venu essayer. Car Flamenco Vive, en plus de vendre une belle sélection de disques et de livres, travaille aussi avec un luthier, Ricardo Sanchis, de Valence. Et pour boucler la boucle, on peut aussi trouver dans la boutique tout l’équipement de danse : jupes, corsages, robes à volants, castagnettes, peignes, verroterie, éventails et jusqu’aux chaussures faites sur mesure. Si avec tout ça, le « duende » ne vient pas…