Francisco de Goya (1746, Fuendetodos, Saragosse- 1827, Bordeaux) a laissé de nombreux témoignages de son génie à Madrid. Depuis ses premiers cartons lumineux pour la Fabrique Royale de Tapisseries jusqu’à sa période noire, en passant par l’illustre position de premier peintre de chambre, retraçons, le temps d’une balade, la vie de celui qui reste l’un des plus grands peintres de l’histoire espagnole.
Nous démarrons notre route goyesque par une visite à la prestigieuse Académie Royale des Beaux-Arts de San Fernando, créée en 1752. À deux reprises, Goya, issu d’une famille désargentée de la petite noblesse rurale aragonaise, participera au concours que cette Académie organisait tous les trois ans dans le but d’élire des peintres qui travailleraient dans l’entourage de la famille royale. À deux reprises, Goya fut recalé… Mais aujourd’hui, le musée de l’Académie expose fièrement treize des tableaux les plus célèbres de l’artiste, dont le portrait de Manuel Godoy, alors Premier ministre.
En 1774, Francisco de Goya voit enfin se réaliser son rêve de venir travailler à Madrid. Son beau-frère, Francisco Bayeu, peintre lui aussi, le “pistonne” pour entrer à la Fabrique Royale de Tapisseries. Goya débute au bas de l’échelon, comme peintre de cartons à tapisseries, mais son style particulier finit par attirer l’attention du monarque Carlos IV qui le nomme peintre de chambre. Goya devient alors le peintre favori de la noblesse locale et de la famille royale, et prend, logiquement, la grosse tête: “les gens doivent me prier pour obtenir mes faveurs. Moi, je ne me fais voir que rarement et je ne travaille que pour la noblesse et pour les amis”, écrit-il à son ami d’enfance Martín Zapater.
Je visite le Musée National du Prado en compagnie de Magdalena, une amie restauratrice d’art professionnelle, passionnée par le travail de Goya. Le Prado conserve le fonds le plus important des œuvres de Francisco de Goya (peintures, cartons pour tapisseries, dessins, estampes, lettres et documents personnels). Magdalena me montre notamment le célèbre portrait de la famille royale et les fameuses “majas”, la nue et la vêtue. La première valut à Goya de comparaître devant un tribunal de l’Inquisition qui fit interdire l’exposition publique de ce tableau jugé “obscène”. La légende veut aussi que celle qui servit de modèle fusse la turbulente Duchesse d’Alba dont Goya aurait été éperdument amoureux, en vain…
Peut-être cet amour déçu, mais surtout la maladie furent responsables du changement d’humeur du peintre vers la fin de sa vie… Certainement dû à l’usage intensif de substances toxiques pour son travail (le plomb, entre autres), Goya devint sourd à 46 ans. Il entra alors dans une période plus introvertie, réfléchie et tourmentée. Sa peinture devint critique voire satirique, pour finir carrément noire et fantasmagorique. Il produit d’abord les Caprices, une série de gravures qui caricaturent les travers de ses contemporains, dont on peut voir des reproductions à l’intérieur de la station de métro Goya (quartier de Salamanca). En même temps, Goya accepte une dernière commande de peinture sacrée avec la décoration de la coupole de la chapelle de San Antonio de la Florida où repose aussi la dépouille de l’artiste. (J’ouvre une parenthèse gourmande… En sortant de la chapelle, on peut faire un saut à la cidrerie Casa Mingo, célèbre pour ses poulets rôtis!)
Terminons donc cette balade au parc de San Isidro, aujourd’hui un bel espace vert aménagé pour les loisirs. Goya y peint à deux reprises la fameuse romería (kermesse) de San Isidro : une première fois en 1788, avec de vives couleurs et rendant l’atmosphère joyeuse de l’événement, et une seconde fois, dans sa version “noire”, avec des paysages désolés, peuplés de personnages hideux et macabres… De là-haut, on retrouve une partie de ce que put y voir, à son époque, Francisco de Goya.