Madrid n’a peut-être pas son « Pont des Arts » croulant sous les cadenas d’amour, ni sa légende tragique des « Amants de Teruel » , mais elle ne manque certainement pas de passion ni de charmes, à commencer par le spectacle que constituent ses fameux couchers de soleil flamboyants, altitude oblige ! Voici donc quelques suggestions pour découvrir Madrid à ses plus belles heures romantiques.
« L’amour, c’est comme une mayonnaise. Quand elle se « coupe », il faut la jeter et en commencer une autre« . Ce n’est pas moi qui le dis, mais le dramaturge madrilène Enrique Jardiel Poncela (1901-1952), avec son légendaire sens de l’humour… un peu vache ! On n’ira pas jusqu’à détourner la citation pour encourager le libertinage tous azimuts, mais comme excuse pour s’offrir plus d’une virée en amoureux à Madrid, pourquoi pas ?
Car Madrid est tout à fait capable de disputer à d’autres villes le statut de la « ville de l’amour ». Pour commencer, la capitale se trouve parmi les villes espagnoles les plus ensoleillées à l’année (d’après les statistiques climatiques de l’Union européenne) et avec son emplacement à 667 mètres d’altitude, elle offre des couchers de soleil spectaculaires. Ils font d’ailleurs partie des principaux attraits touristiques de la capitale. En 2004, le décorateur Pascual Ortega, qui s’était vu confier la délicate tâche de mettre Madrid sur son trente-et-un, à l’occasion du mariage de l’actuel roi Felipe VI avec la reine Letizia, avait dit s’être inspiré « d’un coucher de soleil printanier à Madrid » pour orner la ville d’un camaïeu de blanc, de rose, d’or et d’argent.
Justement, en parlant d’histoires d’amour princières, l’un des endroits les plus suggestifs pour admirer le coucher de soleil madrilène est le colossal monument commémoratif du roi Alfonso XII qui se reflète sur les eaux du lac du Parc du Retiro. Il fut érigé sur ordre de la reine Marie-Christine de Habsbourg, la seconde épouse du roi. La première, María de las Mercedes d’Orléans, fut le grand amour d’Alfonso XII. Elle mourut prématurément, laissant Alfonso XII inconsolable, jusqu’à sa propre mort, à 28 ans et de tuberculose.
À l’issue d’un petit sondage fait à mes amis, je m’aperçois que le Temple de Debod fait aussi l’unanimité comme lieu particulièrement propice à l’introspection sentimentale… Véritable temple égyptien, du IIe siècle av. J.-C., ce fut un cadeau que le gouvernement égyptien fit à l’Espagne dans les années 1970 pour sa contribution au sauvetage des temples de Nubie qui auraient été irrémédiablement perdus lors de la construction du barrage d’Assouan. Reconstruit pierre par pierre sur un monticule lumineux, dans le périmètre du Parc de l’Ouest, il est entouré de jardins et offre une belle vue dégagée sur le vaste parc de la Casa de Campo…
Comme toutes les belles, Madrid a ses charmes secrets qu’elle ne dévoile qu’avec parcimonie… Un peu excentré, dans le périmètre nord de la ville, le Jardin Historique del Capricho (littéralement, Le Caprice) est une œuvre d’art en matière d’architecture paysagère et botanique. S’il y a bien un lieu à Madrid qui mérite le qualificatif de « romantique », c’est incontestablement ce magnifique jardin. Pour la petite histoire, en 1965, le cinéaste anglais David Lean le choisit pour tourner quelques scènes de ce qui reste l’une des plus belles et tragiques histoires d’amour du cinéma international : Le Docteur Jivago.
Après les promenades et les couchers de soleil (et parce qu’on ne vit pas que d’eau fraîche quand on est amoureux…), allons donc prendre une petite coupe de cava. Puisqu’on est en Espagne, autant goûter ce qui se fait ici. Rendez-vous pour cela dans le quartier pittoresque de Las Vistillas, plus précisément sur la Place Gabriel Miró, où se trouve, fièrement campée dans sa robe-fourreau, la statue de la violetera, l’un des personnages de la mythologie populaire madrilène, immortalisée par l’actrice Sara Montiel dans un film qui narre les amours impossibles de la petite vendeuse de violettes (la fleur emblématique de Madrid). Elle fait face à la Champañería María Pandora, un café culturel sybarite et atypique où l’on peut déguster quelques bonnes références de cavas catalans, dans un décor hétéroclite et cosy aux airs de boutique d’antiquaire. Les horaires d’ouverture fluctuent en fonction des événements qu’organise l’établissement (conférences, débats, expositions, concerts et présentations de livres). Il faut donc consulter la programmation avant de s’y rendre.
Pour un dîner ou un tapeo (assortiment de tapas) de luxe au cava ou au Champagne, je recommande le cadre élégant de la Taberna Laredo. Ce petit bar de quartier devenu grand sert aujourd’hui une cuisine d’auteur espagnole, centrée sur la qualité des produits, notamment ceux de la mer. Dans la carte des vins, on trouve une sélection des meilleurs cava et Champagne, aussi bien de grandes marques que de petits producteurs. Une suggestion pour compléter la soirée : comme l’Auditorio Nacional de Musica n’est pas si loin, on peut inviter son/sa partenaire à un beau concert de musique classique avant ou après le dîner. La classe !
Un dernier verre ? Je recommande chaudement le Gin-tonic aux fruits rouges et aux épices, servi « au couteau » (pour ne pas briser les bulles de soda) du Minibar, un petit troquet accueillant et intime qui se trouve au numéro 12 de la Cuesta de Santo Domingo, proche de l’Opéra.
La nuit est déjà bien avancée. On va vous laisser tranquilles… La plupart des hôtels madrilènes ont des offres spéciales pour les couples. C’est le cas des hôtels Petit Palace, en particulier la ravissante Posada del Peine, située dans un édifice historique de plus de 400 ans et à deux pas de la Plaza Mayor. La particularité des hôtels Petit Palace est qu’ils acceptent les animaux de compagnie ! Un autre hôtel parfait pour un séjour à deux est l’hôtel-boutique Abalú, avec sa déco « précieuse » qui rappelle le monde de la haute-couture. Il est situé dans la Calle del Pez, une des rues les plus animées du quartier de Malsaña, avec une ribambelle de petits restaurants, de théâtres, de bars, de galeries d’art et de boutiques de créateurs. Pas d’excuse pour « rater sa mayonnaise », donc !